Il y a des chaînes de télé chrétiennes aux Etats-Unis et ici en Amérique du Sud qui diffusent 24 heures sur 24 de splendides images de paysages vierges des quatre coins du monde, ou bien des scènes montrant les animaux vivant en paix dans la nature sauvage. On joue de la musique classique en fond sonore, et des versets de la Bible écrits en lettres romantiques sont incrustés sur les images. Tout ceci est supposé éveiller chez les spectateurs contemplatifs une sorte d'admiration envers la majesté de la Création du Seigneur, et bien sûr renforcer leur foi.

Et bien pas moi! Plus je voyage autour de la planète, plus j'observe la Création, et moins je suis croyant! Ici bas sur Terre et 15 milliards d'années après le grand jour, je trouve la Création en bien piteux état. Si pitoyable en fait que je considère maintenant les hypothèses suivantes:
- Soit 1) Dieu n'existe pas,
- Ou 2) Dieu s'en fiche,
- Ou 3) Dieu n'y peut rien.

Quelque soit le choix, le corollaire est que tu dois te débrouiller. Quelque soit la merde dans laquelle tu te trouves, ce n'est pas arrivé parce que "Dieu vient te tester". Et quelles que soient les bonnes choses qui te tombent dessus, ce n'est pas parce que tu as été un fidèle bien pieux. Tu dois te débrouiller seul, et si la prière fait de toi une meilleure personne, un époux plus compréhensif ou un parent plus aimant, ainsi soit-il, je suis sûr que tu en as déjà été récompensé - pas besoin d'attendre d'être mort.

Ma colère croissante vient de tout le cynisme, des mensonges, de l'abus et des gâchis - quand il ne s'agit pas de désastres complets - causés par les religions organisées lors des siècles passés et qui résonnent encore clairement de nos jours. A l'échelle globale, ou même au niveau d'un continent ou d'un pays, il n'y a pas une seule religion qui résiste à l'épreuve du temps. La Chrétienté et l'Islam, bien sûr, l'Hindouisme, et même le Judaïsme et le Bouddhisme - elles ont toutes contribué à rendre les problèmes encore plus inextricables et les solutions encore plus définitives au nom de leur dieu. Aucune ne s'est montrée à la hauteur de son message de paix, d'épanouissement et de respect mutuel.

Au Niger, nous avons rencontré Ralph qui travaillait pour une ONG dans une petite ville menacée par la désertification et les pénuries d'eau. Quand la municipalité a finalement reçu les fonds pour construire un système d'irrigation, les discussions ont démarré pour édifier une mosquée à la place. La raison? Le Prophète a déclaré que "quiconque construit une mosquée aura sa place au Paradis". Le résultat? Une cinquième mosquée fut construite, le système d'irrigation attendra, et les gens continueront à avoir faim. Famine et salut marchent main dans la main.

En Algérie, nous avons vu des femmes complètement voilées, à l'exception d'un oeil. En Ethiopie, les femmes n'étaient pas admises dans les églises chrétiennes orthodoxes les plus sacrées. Dans le nord du Kenya, certaines portaient la burka. En Afrique, le SIDA tue par millions mais l'église qui représente la majorité de la population continue à prêcher dans le vent ses remèdes inapplicables. En Afrique et en Amérique du Sud, les églises n'ont rien fait contre les dictatures du 20ème siècle, ni contre l'esclavage d'antan. Dans un musée au Pérou, nous avons vu un poignard de l'époque des Conquistadores déguisé en crucifix: tire la croix vers le haut et la lame apparaît, alors que la petite statue de Jésus reste fidèlement à tes côtés. De la ségrégation à l'esclavage, du meurtre à la misère, nous avons vu tout au long du voyage la gamme complète des pêchés et des exactions commises au nom de Dieu.

Ma frustration s'est accrue au Chili et dans le nord de l'Argentine parce que l'église ici a vraiment une manière sans gène de t'enfoncer du Jésus au fond du gosier à chaque coin de rue.

Jésus est planté sur sa croix sur le bord de la route.

Jésus est tout sanglant, attaché au poteau de torture à l'intérieur de l'église. C'est un message constant. Jésus était pauvre, Jésus a souffert pour toi.

Donc continue à bosser pour nourrir tes 8 gosses, et donne plus d'argent à l'église pour payer une nouvelle couche de dorures dans la cathédrale. Un feuillet à l'entrée t'explique même que "la Donation est l'acte le plus intime qui puisse arriver entre Dieu et le Fidèle". Il y a un mot pour l'intimité en échange d'argent!

Mais si je suis devenu vraiment en colère dernièrement, c'est à cause de la collision entre deux événements. Le premier fut la sortie du film La Passion du Christ, qui représente pour moi une des manières les plus abjectes de représenter la foi chrétienne. C'est rempli de haine et de souffrance, de culpabilité et de devoir. Ajoute une bonne louche de "gore hard-core", peut-être même un soupçon d'antisémitisme selon ton goût, et tu obtiens un cocktail que ceux qui ont toujours eu une interprétation littérale de la Bible se sont empressés d'avaler. Beurk! Tu peux imaginer le succès que ça a eu ici en Amérique du Sud! Merritt et moi sommes finalement allés le voir. Pendant toute la durée du film, je me demandais "Mais ils sont passés où les enseignements du Christ dans tout ça!?"

Le second événement fut l'abus des prisonniers Iraqiens, qui résulta en un barrage sans précédent de mensonges, de contre-vérités et de manoeuvres de contournement commises au nom de la Liberté par une administration américaine dirigée par un président soi-disant "Chrétien de Seconde-Naissance" ("Born-Again Christian").

"Enfin, il y a la démocratie en Iraq"

Parmi ces 7 personnes, combien furent invités par Bush à la projection privée de La Passion du Christ et versèrent une larme, bouleversés par cette violence aveugle déchaînée contre un innocent? Et le jour suivant, ils étaient de sang-froid devant les caméras de télé, protégeant les responsables des abus en Iraq, et continuaient à répéter les mêmes mensonges qui menèrent leur pays à la guerre.

Je ne dis pas que les Iraqiens, parmi lesquels de nombreux gars innocents capturés au hasard dans la rue ou chez eux, peuvent être comparés à Jésus. Ce que je dis c'est que l'injustice, la violence gratuite et les tortures sont, elles, bien comparables. À travers les lieux et les âges, peu importe qui est la victime, c'est toujours le même crime.

Donc, à ces 7 personnes - et à tous ceux qui n'ont pas saisi les contradictions issues du choc entre ces deux événements - voici en avant-première...